sexta-feira, 14 de setembro de 2012

Viagem à Índia - França



On ne saurait trop insister : Gonçalo M. Tavares est un génie ! José Saramago, Enrique Vila-Matas, Alberto Manguel et bien d’autres encore ne cessent de souligner son talent, et ils ont raison ! Si chaque nouvelle traduction française est pour nous l’occasion de renouveler nos éloges à l’égard de ce jeune écrivain prodigieux, la parution de son nouveau roman, Un voyage en Inde (sortie le 13 septembre aux éditions Viviane Hamy) ne constitue rien de moins qu’un bel événement éditorial.
Une fois n’est pas coutume, parce qu’elle n’est pas anodine et pourrait – à tort – sembler ardue, nous commencerons par dire quelques mots au sujet de la forme choisie pour ce roman. Tout comme Laurent Mauvignier avait repris le cadre du monologue de Koltès La nuit avant les forêts pour son texte Ce que j’appelle oubli, Tavares a utilisé le squelette des Lusiades. Ecrit au XVIe siècle par Luis de Camões, ce long poème composé de dix chants retrace la découverte des Indes par Vasco de Gama. Mais nous tenons ici à vous rassurer : en dépit de ses intimidantes apparences, le texte de Tavares demeure d’accès relativement aisé. Quelques cinq siècles plus tard, Bloom (bel hommage à James Joyce) effectue lui aussi un périple qui devrait l’amener de Lisbonne à l’Inde, sauf que notre homme opte pour la voie terrestre (à quelques aériennes exceptions près) au détriment de la voie maritime. Persuadé que sa destination nécessite une préparation préalable, il prend effectivement le parti de ne pas se presser, passant ainsi par Londres, Paris, Vienne, Prague et Berlin, où il sera tantôt malmené, tantôt traité avec égard. Si la quête spirituelle de notre anti-héros ne vise rien de moins que la sagesse, il faut bien admettre qu’il n’est pas au bout de ses peines.
Parsemé de références mythologiques, bibliques et littéraires, Un voyage en Inde est un chef d’œuvre d’érudition et de poésie qui n’est pas sans questionner l’évolution de nos sociétés et la place de l’écrivain – du poète – en leur sein. Les pérégrinations de son personnage aussi nihiliste que mélancolique, dont l’histoire personnelle n’a rien à envier aux plus grandes tragédies grecques, sont autant d’occasions pour l’auteur de poursuivre son exploration de ses thèmes de prédilection, notamment la modernité, le langage ou encore la malignité. Parfois un brin sibyllines, toujours peaufinées à l’extrême, ces réflexions ont une dimension jubilatoire indéniable. Vous l’aurez aisément compris, une telle démonstration d’inventivité est un trésor qui recèle de richesses infinies dont il faut bien admettre qu’une lecture unique ne saurait suffire. N’ayons pas peur des mots, ce Voyage en Indes’impose non seulement comme un livre incontournable de la rentrée, mais surtout comme un roman magistral grâce auquel son auteur ajoute une pierre de taille à l’édifice de la littérature mondiale.
F.A.